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Sébastien Olharan

Maire de Breil-sur-Roya et Conseiller Départemental des Alpes-Maritimes

En tant que maire quelles ont été vos premières actions le jour même de la catastrophe ? Au lendemain ?

Initialement je me suis déplacé dans le village car dans la matinée il y avait une grosse tempête de vent qui a emporté des toits dans le village et a causé plusieurs dégâts. J'amplifie alors la communication sur les réseaux sociaux en répétant les consignes principales de sécurité. Par la suite, nous apprenons que le transport ferroviaire est suspendu donc nous décidons d'ouvrir un centre d'hébergement pour les "naufragés du train" qui sont bloqués sur Breil. En parallèle nous commencions à évacuer les secteurs les plus exposés dont le camping dans un premier temps. Donc voilà quelles ont été mes premières actions qui ont eu lieu principalement dans la matinée. 
Le lendemain, donc le samedi 03 octobre, il n'y avait plus d'eau, ni d'électricité, ni de téléphone.
Nous n'avions plus de voies de communications, la seule route que nous pouvions plus ou moins utiliser était celle du col de Brouis, le problème est qu'elle n'était pas dégagée. Notre priorité a donc été de dégager cette route pour avoir un accès routier sur l'extérieur. Dès que cette route a été libérée je me suis rendu en voiture sur Sospel pour appeler la préfecture. J'ai finalement réussi à avoir la députée qui m'a passé le Premier Ministre, Monsieur Jean Castex, au téléphone.  Je lui ai donc expliqué la situation et lui ai demandé de nous amener ce dont nous avions besoin c'est-à-dire des groupes électrogènes, de l'eau potable pour les populations, du carburant pour les engins, de la nourriture et refaire partir les antennes relais afin d'avoir à nouveau du réseau pour pouvoir communiquer. Notre seconde priorité a été de désenclaver les quartiers isolés non pas en construisant des ponts directement mais en passant par des sentiers.
 
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Les moyens déployés lors de la tempête Alex ont-ils été les mêmes en France et en Italie ?

En ce qui concerne l'Italie on ne sait pas trop, nous n'avons pas vraiment eu d'informations à ce moment-là. Ce que nous savons c'est que d'une façon générale, les autorités italiennes se plaignent de ne pas du tout avoir été aidées par l'Etat italien comme nous l'avons été par l'Etat côté français. En France, un Préfet délégué à la reconstruction des vallées a été nommé , côté italien ils n'ont rien eu. En France nous avons pu bénéficier d'une dérogation du Préfet à la loi sur l'eau pour nous autoriser, pendant plus d'un an, à faire tous les travaux sur les cours d'eau, remettre les routes en état au bord des rivières, remettre les berges en état sans avoir besoin d'autorisation ou avec un régime de déclarations très allégé. Le fait que les italiens n'aient rien eu de cela, explique que la route à la sortie des tunnels d'Airole a mis un an et demi à être rétablie car il leur a fallu quasiment 8 mois pour obtenir les autorisations au titre de la loi sur l'eau.
Nous avons voulu monter un dossier pour bénéficier du fond de solidarité de l'Union Européenne, il nous semblait plus logique de faire un dossier commun France/Italie sur la tempête Alex étant donné que les deux pays ont été touchés. Toutefois nous nous sommes aperçus qu'un dossier de solidarité de l'Union Européenne doit s'arrêter aux frontières des Etats. Donc chacun devait faire son propre dossier. 
Pensez-vous que cette catastrophe aurait pu être gérée différemment ? Si oui comment ?

Il y a sans doute beaucoup de choses qui auraient pu être gérées différemment. Premièrement je regrette que nous n'ayons pas été plus efficaces dans le déploiement de moyens aériens. Je trouve qu'il a été très long, en France, de mettre en place un vrai pont aérien qui nous permette d'acheminer tout ce dont nous avions besoin. Ensuite, l'Etat a mobilisé énormément de moyens mais n'a pas suffisamment assuré leur coordination sur le terrain. C'est surtout la mairie qui a eu en charge la coordination de tous le services y compris les services de l'Etat. Eux-mêmes étaient là sans consignes et sans vraiment savoir ce qu'ils devaient et pouvaient faire, c'était un peu compliqué à gérer.
Quel a été le rôle de la Mairie dans la gestion de la tempête ? 

Le jour même de la tempête notre rôle était principalement préventif,  j'ai fait beaucoup de communication sur les réseaux sociaux pour expliquer à la population les consignes et les bons comportements à adopter. Ensuite nous avons dû gérer les évacuations, l'accueil des sinistrés au gymnase, les problèmes dus à la coupure d'électricité et de réseau téléphonique etc. 
Le lendemain nous nous sommes sentis un peu abandonnés, mais au bout de 24/48 heures beaucoup d'aides  sont arrivées. Il y avait beaucoup de moyens humains c'est-à-dire pompiers, gendarmes, militaires, hélicoptères mais aussi beaucoup d'aide matérielle. Nous avons reçu énormément de dons qui sont arrivés de partout : de l'eau, de la nourriture, des vêtements, des produits d'hygiène, des biens de première nécessité. La Mairie a donc dû gérer tout cela. Nous avons commencé à tout emmagasiner  dans le gymnase, si bien qu'en quelques jours il est devenu un immense entrepôt rempli jusqu'au plafond où des bénévoles se sont affairés tous les jours aux côtés des élus de la mairie pour gérer les stocks et distribuer les dons aux populations. 
Lorsque l'accès routier a été rétabli pour les habitants de Breil, nous avons chargé des palettes sur des trains ou hélicoptères avec ces dons pour les envoyer sur le haut de la vallée de la Roya. C'est la mairie qui a joué ce rôle de gestion des stocks, de gestion du centre d'hébergement aux côtés de la Croix Rouge. 
Nous avons aussi continué la cellule de crise qui est une entité très importante car c'est là que se réunissaient tous les acteurs comme les pompiers, les gendarmes, les militaires, la sécurité civile, la Croix Rouge, la SNCF, la CARF, le Département pendant quasiment un mois. 
Nous avons été amenés à traiter une multitude de tâches auxquelles nous ne nous attendions pas forcément. 
Selon vous, après les évènements du 2 octobre 2020, les élus et les acteurs impliqués seraient-ils en capacité de mieux gérer une autre catastrophe naturelle de cette ampleur ?

Oui, nous nous sentons vraiment mieux préparés, nous avons tiré beaucoup de leçons de ce qui s'est passé. Ne serait-ce qu'au niveau de la mairie, nous avons crée une réserve communale de sécurité civile : un groupe de 20 bénévoles qui sont là pour pouvoir intervenir en appui des forces de sécurité pour gérer une crise. De plus, nous avons constitué un stock de lits picots pour pouvoir ouvrir un centre d'hébergement en cas d'urgence. Le Plan Communal de Sauvegarde a été remis à jour en tenant compte des leçons de  la tempête Alex, nous avons établi un nouveau Document d'Information Contre les Risques Majeurs (DICRIM) diffusé à toute la population par voie postale, nous avons recruté un deuxième policier municipal, nous avons acheté un téléphone satellitaire, nous allons installer une deuxième sirène d'alarme qui couvrira un peu plus la partie nord de la commune. Nous sommes également en train de nous doter de notre propre réseau de radiocommunication autonome, ce qui signifie que si demain tous les réseaux de communications venaient à être coupés, nous aurons toujours la possibilité de communiquer entre nous au sein de la commune avec un système de talkie-walkie car nous allons installer une antenne relais communale au sommet de la Cougoule avec nos propres radios sur nos propres fréquences et un émetteur sur panneaux solaires. Donc, même en cas de grosse coupure d'électricité, cette antenne continuera à émettre. Nous serons une des premières communes dans le département à être dotée de ce dispositif là.
Pouvez-vous nous décrire en quelques mots comment se sont passées les trois phases de gestion : avant, pendant et après la catastrophe pour vous ?

Le jeudi après-midi le département des Alpes-Maritimes a été mis en alerte orange, et le Préfet a annoncé la fermeture des établissements scolaires et des crèches pour le lendemain. Nous avons donc fait une communication sur la vigilance météo à destination de la population dès le jeudi soir. 
Au plus fort de la tempête, c'est-à-dire vers la fin de l'après-midi, le barrage de Breil-sur-Roya a été ouvert et peu après ça j'ai fait une intervention en direct sur Facebook afin d'alerter la population. Plus tard je me suis rendu au gymnase qui était à ce moment-là le centre d'hébergement d'urgence, et ensuite je me suis déplacé sur le haut de la commune et j'ai constaté que l'eau passait déjà sur la route départementale à la sortie nord de Breil. Plus l'eau montait plus l'on évacuait des habitants, dont les personnes vivant dans dans les étages du quartier de l'Isola. Ensuite tout est allé très vite, j'ai appris que plusieurs maisons avaient été emportées, qu'il y avait 3 mètres d'eau dans le village de Breil, que les sinistrés au centre d'hébergement d'urgence étaient passés de 5 à 86, le gymnase a ensuite pris l'eau par le toit, nous avons donc dû le déménager au collège, puis, vers minuit et demi, nous n'avons plus eu de réseau téléphonique. Au plus fort de la crue on ne pouvait plus rien faire sauf  attendre la décrue.
Personnellement je n'ai pas dormi, mais quand on s'est "réveillés" le lendemain matin, nous n'avions plus d'eau ni de moyen de communication. A ce moment-là nous avions 5 disparus potentiels et un bilan de 3 morts sur le village de Breil, qui ont tous été retrouvés, et 1 mort sur Tende. Pour ce qui est des habitations, 8 maisons ont été complètement emportées et un hôtel. Nous avons eu une vingtaine d'habitations et une dizaine de locaux commerciaux inondés jusqu'au plafond. A la suite de cela j'ai été amené à prendre 44 arrêtés d'évacuation, c'est-à-dire faire évacuer 44 biens, ce qui concernait donc un nombre important de familles.
Depuis le 3 octobre, sans relâche, tous les moyens sont déployés afin de remettre en état le village et restaurer les divers accès. 

 
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© 2023 par Sarah Andreoletti. Créé avec Wix.com

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